APESE Haïti en Haïti
En Haïti : les domaines de l’Education, la Santé, l’Environnement sont intégrés dans les projets générateurs de revenus pour améliorer les conditions de vie de nos bénéficiaires, besoin fondamental car les conditions de vie en Haïti sont souvent très dures pour les ruraux.
D'un point de vue associatif, la priorité est d'avoir des projets autosuffisants à court terme, afin d'avancer petit à petit et d’entrer dans une spirale d'amélioration continue.
Pour chaque projet subventionné spécifiquement pour Haïti, APESE Haïti doit apporter 10% de
financement propre. Ces financements sont assurés par la réalisation de nos prestations traiteur, la vente du produit de nos ruches...
Notre éthique
L’association intervient à la demande des partenaires locaux. Pour faciliter ces rencontres, elle organise chaque année une rencontre inter-associative où chaque partenaire peut inviter un autre partenaire.
Lors de ces échanges, chaque partenaire présente son projet en cours ou en attente d’une demande de partenariat pour pouvoir être subventionné par un organisme étranger (il est très difficile pour les associations locales de trouver sur place un financement public ou privé).
A l’issue de cette rencontre, un membre d’APESE Haïti France et le chargé de projet local vont à la rencontre des nouveaux partenaires pour étudier ensemble la faisabilité du projet sur le terrain en présence des bénéficiaires et de tous les acteurs concernés. Ces derniers transmettent ensuite un rapport aux membres du bureau France pour avis. Cette démarche permet à l’association d’être impartiale vis-à-vis de ses partenaires et évite de passer à côté d’un projet sur simple présentation orale.
Les financements sont propres à chaque projet (Agence Micro projets, CD91, financements privés) et nécessitent toujours une part d’autofinancement.
Nos projets à venir !
En dépit de la situation sociopolitique en Haïti, nous avons continué à soutenir des projets, limités dans la zone où se trouve notre chargé de projets. Nous avons financé sur nos fonds propres un projet de cabris pour 80 femmes entrepreneuses autour de Jacmel.
Haïti doit reprendre sa place de la Perle des Antilles. Haïti doit se relever de ses cendres.
Haïti : un enfant sur huit est désormais déplacé en raison de la violence armée
© UNICEF/Ralph Tedy Erol Les enfants d'Haïti sont confrontés à la violence, à l'instabilité, à la pauvreté et à la malnutrition alors que les attaques des gangs et des groupes armés se poursuivent.
Facebook Twitter Imprimer Courriel17 janvier 2025 Paix et sécuritéLa crise humanitaire en Haïti atteint un point critique, avec un enfant sur huit désormais déplacé en raison de l'escalade de la violence alimentée par les groupes armés qui continuent de contrôler la plupart partie de la capitale, alerte le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).Les dernières données révèlent que plus de 500.000 enfants ont été contraints de quitter leur foyer, ce qui représente une augmentation choquante de de près de 50 % depuis septembre.Au total, plus d'un million d'Haïtiens sont déplacés à l'intérieur du pays, dont la moitié sont des enfants qui ont besoin d'une aide humanitaire d'urgence.« C'est une période horrible pour être un enfant en Haïti, avec la violence qui bouleverse des vies et force de plus en plus d'enfants et de familles à quitter leur foyer », a déclaré la Directrice générale de l'UNICEF.« Les enfants ont désespérément besoin de sécurité, de protection et d'accès aux services essentiels. Nous ne pouvons pas détourner le regard », a affirmé Catherine Russell.© UNICEF/Ralph Tedy Erol L'impact de la violence sur les enfants en Haïti est jugé particulièrement préoccupant.
Les enfants haïtiens pris au piège entre violence, pauvreté et déplacements
Des décennies d'instabilité politique, de pauvreté et d'inégalité ont permis la montée en puissance des groupes armés et l'impact sur les enfants est dévastateur.
Les rapports font état d'une augmentation de 70 % du recrutement d'enfants au cours de l'année écoulée, les mineurs constituant jusqu'à 50 % de leurs rangs. Ce recrutement est contraire au droit international et constitue une grave violation des droits de l'enfant.
Par ailleurs, la crise des déplacements a rendu les enfants particulièrement vulnérables à la violence, y compris à la violence sexuelle, au trafic, à l'exploitation et aux abus.
Les incidents de violence sexuelle à l'encontre des enfants ont augmenté de 1.000 % au cours de l'année écoulée, a indiqué l'agence onusienne.
L'accès aux services de base tels que l'éducation, les soins de santé, l'eau potable et l'assainissement a été gravement perturbé, exposant les enfants à des risques accrus de malnutrition et de maladie.
Près de 6.000 personnes endurent des conditions proches de la famine et les sites de déplacement insalubres ont créé un terrain fertile pour les épidémies de choléra. Le pays a enregistré près de 88.000 cas suspects de cette maladie, qui touche les enfants de manière disproportionnée.
© OHCHR/Marion Mondain Un jeune enfant dont la famille a fui la violence est assis dans un abri de fortune à Port-au-Prince.
Une crise urbaine qui s’empire
La crise est particulièrement grave dans la zone métropolitaine de la capitale Port-au-Prince, où la violence et l'instabilité sont omniprésentes.
En décembre, des tentatives de siège de quartiers résidentiels ont forcé environ 40.000 personnes à fuir leur domicile en seulement deux semaines.
L'UNICEF estime que trois millions d'enfants dans le pays ont besoin d'une aide humanitaire, dont 1,2 million d'enfants en danger immédiat dans la ville.
Appel à l'action
L'UNICEF demande à toutes les parties de cesser immédiatement les hostilités et de mettre fin aux violations des droits de l'enfant, y compris le recrutement par des groupes armés et toutes les formes de violence sexuelle.
L'agence a également lancé un appel pour que les travailleurs humanitaires puissent accéder sans entrave aux personnes dans le besoin, y compris les populations déplacées.
« Les enfants d'Haïti subissent les conséquences d'une crise qu'ils n'ont pas créée », a déclaré Mme Russell.
« Ils comptent sur le gouvernement haïtien et la communauté internationale pour prendre des mesures urgentes afin de protéger leurs vies et de préserver leur avenir », a-t-elle souligné.
Près d’un enfant sur huit est en situation de déplacement interne en Haïti, où la violence armée continue de faire rage
Plus d’un demi-million d’enfants sont déplacés à l’intérieur du pays, soit une hausse de 48 % depuis le mois de septembre
PORT-AU-PRINCE/NEW YORK, le 17 janvier 2025 – Le nombre d’enfants en situation de déplacement interne en Haïti a augmenté de près de 50 % depuis le mois de septembre en raison des violences incessantes perpétrées par les groupes armés. Cela représente environ un enfant sur huit à l’échelle nationale.
D’après les dernières estimations, plus d’un million de personnes sont désormais déplacées à l’intérieur du pays, parmi lesquelles plus de la moitié sont des enfants ayant besoin d’une aide humanitaire urgente.
« La situation est terrible pour les enfants en Haïti, dont la vie est bouleversée par les affrontements qui contraignent toujours plus d’enfants et de familles à quitter leur foyer », a déclaré Catherine Russell, Directrice générale de l’UNICEF. « Les enfants ont désespérément besoin de sécurité, de protection et d’un accès aux services essentiels. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur leur sort. »
Les perturbations politiques qui sévissent depuis des années en Haïti, conjuguées à un environnement marqué par une pauvreté et des inégalités dévastatrices, ont conduit à la prolifération des groupes armés, dont un nombre croissant d’enfants se voient contraints de grossir les rangs faute d’autres moyens de survie ou de protection. À la suite d’une augmentation notable du recrutement d’enfants l’an dernier (à hauteur de 70 %), on estime que ces derniers constituent désormais jusqu’à 50 % des effectifs des groupes armés, alors même que le recrutement et l’utilisation d’enfants constituent une violation grave de leurs droits et du droit international.
Les enfants et les adolescents déplacés en Haïti sont par ailleurs exposés à un risque accru de violence, y compris d’actes de violence, d’exploitation et d’abus sexuels, dont les cas ont augmenté de 1 000 % l’an dernier. Leur manque d’accès aux services essentiels, tels que l’éducation, l’approvisionnement en eau potable, l’assainissement et les soins de santé, lesquels sont fortement perturbés, contribue en outre à exacerber la malnutrition et à accroître leur exposition aux maladies ainsi qu’à la violence. Alors que près de 6 000 personnes vivent dans des conditions proches de la famine, l’insalubrité des sites accueillant les personnes déplacées accentue encore davantage leur vulnérabilité face aux maladies telles que le choléra qui, avec environ 88 000 cas présumés, continue de faire des ravages chez les enfants du pays.
Selon les estimations de l’UNICEF, quelque 3 millions d’enfants sur le territoire ont besoin d’aide humanitaire, parmi lesquels plus de 1,2 million vivent sous la menace dans la seule région métropolitaine de Port-au-Prince, où la situation continue de se détériorer. Courant décembre, les tentatives de siège visant certaines zones résidentielles ont engendré un déplacement massif et contraint ainsi environ 40 000 personnes à quitter les lieux en l’espace d’à peine deux semaines.
L’UNICEF exhorte une nouvelle fois de toute urgence l’ensemble des parties à mettre fin à la violence et aux violations graves des droits des enfants, telles que le recrutement et l’utilisation d’enfants par les groupes armés, ainsi qu’à cesser toutes les formes de violence sexuelle. L’UNICEF lance également un appel pour que les travailleurs humanitaires puissent atteindre sans entrave et en toute sécurité les communautés vulnérables, y compris les populations déplacées dans le besoin.
« Les enfants en Haïti sont exposés à une crise dont ils ne sont pas responsables. Ils attendent du Gouvernement haïtien et de la communauté internationale que les mesures indispensables pour les protéger et préserver leur avenir soient prises de toute urgence », a ajouté Catherine Russell.
Lyns-Virginie Belony rejoint les rangs du Département d’histoire de l'UdeM à titre de professeure adjointe.
Depuis janvier, la nouvelle professeure adjointe du Département d’histoire de l’Université de Montréal Lyns-Virginie Belony donne un cours d’introduction à l’histoire des Caraïbes et, dès septembre prochain, elle prendra en charge un cours consacré cette fois à l’histoire d'Haïti. Une manière pour elle de remettre en question les clichés qui ont trop longtemps défiguré cette île et d’offrir à ses étudiants et étudiantes une compréhension plus nuancée de son histoire.
Une formation universitaire centrée sur Haïti et la solidarité noire
Née de parents haïtiens et élevée au Québec, Lyns-Virginie Belony a grandi dans un environnement où les images véhiculées par la société sur Haïti pouvaient être simplistes et décontextualisées. Cela l’a poussée à vouloir mieux comprendre l'histoire de ce pays. Cette démarche amorcée dès l'adolescence l'a guidée vers des études en histoire et une spécialisation sur Haïti. Ainsi, dans son mémoire de maîtrise, intitulé L’occupation américaine d’Haïti et la réponse de la National Association for the Advancement of Colored People, elle explore la façon dont l’organisation, tout en dénonçant l’occupation américaine de l’île, à partir de 1915, critiquait également l’inaction des États-Unis face aux problèmes internes de la communauté noire américaine, notamment le lynchage.
Ce travail faisait écho à son intérêt pour la solidarité noire, en particulier durant la période de l’entre-deux-guerres, un sujet qui l’occupe encore aujourd'hui. La question de l’internationalisme noir et du panafricanisme, qu’elle examine dans ses recherches, est essentielle dans son approche des évènements historiques.
Un doctorat sur la mémoire du duvaliérisme à Montréal
Désireuse de mieux comprendre l’incidence de l’histoire haïtienne sur la diaspora, Lyns-Virginie Belony oriente ses recherches doctorales sur la mémoire du régime duvaliériste au sein de la communauté haïtienne de Montréal. Son projet de doctorat, qui se concentre sur la période de la dictature des Duvalier (1957-1986), s’intéresse plus précisément à la manière dont les Haïtiens vivant au Québec perçoivent cette période sombre de l’histoire de leur pays.
Lyns-Virginie Belony remarque que les mémoires haïtiennes à Montréal du duvaliérisme sont loin d’être homogènes. «Il n’y a pas une mémoire collective, mais plusieurs mémoires en conflit», mentionne-t-elle. D’un côté, certains dénoncent les abus et les violences du régime Duvalier, tandis que d’autres, particulièrement ceux ayant vécu sous la dictature, évoquent une époque où, malgré les difficultés, «le peuple mangeait, les enfants allaient à l’école, les voisins se respectaient». Cette multiplicité de mémoires, parfois contradictoires, fait l’objet de son analyse. Au lieu d’adopter une approche binaire – entre critiques et apologistes du duvaliérisme –, elle nuance sa position et met en lumière un troisième type de mémoire: celle des «indécis», ces hommes et ces femmes qui, tout en condamnant le régime, reconnaissent certains aspects positifs de cette période.
Ses recherches sur la mémoire collective des Haïtiens à Montréal continuent de nourrir sa réflexion, alors qu'elle s’intéresse aux conséquences des mémoires recensées sur la perception actuelle de la situation en Haïti. À travers ses travaux, elle s’interroge sur la manière dont l’histoire est reconstruite au fil du temps et des expériences personnelles.
Une approche transnationale de l’histoire des populations afrodescendantes
Lyns-Virginie Belony explore également dans ses recherches les dynamiques transnationales de l’histoire des populations afrodescendantes en se penchant sur la place centrale de la Caraïbe dans le mouvement panafricain à partir de la fin du 19e siècle. «Alors qu’en Europe un vaste appareil idéologique s’efforçait de justifier l’infériorité des personnes non blanches, le mouvement panafricain émergeait avec force, porté par des figures intellectuelles majeures de la Caraïbe, avec des territoires comme Haïti, Trinité-et-Tobago et la Jamaïque», explique-t-elle. Elle souligne l’apport de ces penseurs qui, revendiquant une origine africaine, ont redéfini les perceptions de l’identité noire. «Pour eux, être noirs n’était pas une source de honte, mais au contraire un motif de fierté», insiste-t-elle en rappelant l’importance de ces discours dans la lutte contre les préjugés raciaux et pour la valorisation des héritages culturels.
La professeure est particulièrement fascinée par la période de l’entre-deux-guerres, où certaines figures intellectuelles de la Caraïbe ont non seulement défendu une identité africaine fière, mais ont aussi flirté avec des idées politiques contradictoires, notamment le fascisme. Cette analyse lui permet de remettre en question les lectures simplistes de l’histoire politique caribéenne et de montrer les tensions idéologiques qui traversaient la communauté noire mondiale à cette époque.
Enseigner avec passion
Lyns-Virginie Belony, qui a enseigné à titre d’auxiliaire d’enseignement et de chargée de cours à l’Université de Montréal et à l’Université du Québec à Montréal, a aussi fait connaître avec passion l’histoire d’Haïti au Centre Toussaint. Elle souhaite avec ses étudiants et étudiantes «aller au-delà des images, qui sont un peu stéréotypées, un peu décontextualisées, qui sont simplistes et qui alimentent aussi une forme d'anti-haïtianisme, qui existe depuis le lendemain de la révolution haïtienne, mais qui prend de nouvelles formes et plus de force dans le débat politique depuis quelques années».
Haïti
Événements de 2024
En 2024, la crise multidimensionnelle qui secoue Haïti depuis des années est devenue catastrophique. Les groupes criminels opérant au sein de la coalition « Viv Ansanm » ont intensifié leurs attaques coordonnées et à grande échelle qui ont paralysé le pays de février à mai, et d’octobre à aujourd’hui. Ces attaques ont eu de graves répercussions sur les services publics, notamment l’approvisionnement en électricité et en eau, l’assainissement, les soins de santé, l’éducation et les transports, limitant considérablement l’accès aux biens essentiels. La moitié de la population haïtienne a lutté quotidiennement pour manger à sa faim, le pays ayant l’un des taux d’insécurité alimentaire aiguë les plus élevés au monde.
Les meurtres et enlèvements commis par les groupes criminels ont augmenté, avec une réponse faible de l’État et un système judiciaire inefficace. Les violences sexuelles se sont généralisées, les survivantes ayant un accès très restreint aux soins de santé, sans compter une justice quasiment absente. La faim et l’extrême pauvreté croissantes ont forcé les enfants à rejoindre des groupes criminels, où ils sont exposés à des abus, notamment à l’exploitation sexuelle.
Un nouveau gouvernement de transition, dirigé par un Premier ministre et un Conseil présidentiel de transition, a été mis en place dans le but de renforcer la sécurité et d’organiser des élections libres et équitables. Cependant, l’instabilité politique a persisté, plusieurs membres de ce Conseil ayant été accusés de corruption et peu de progrès ont été accomplis dans l’établissement d’un calendrier électoral.
Début novembre, le Premier ministre de transition a été brusquement démis de ses fonctions par le Conseil présidentiel de transition ainsi que son gouvernement et un nouveau Premier ministre, Alix Didier Fils-Aimé, a été nommé.
Alors que la violence s’intensifiait, la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) autorisée par l’ONU a commencé à se déployer, sans être en mesure de soutenir efficacement la police dans la lutte contre les groupes criminels en raison d’un financement et de personnels insuffisants. Le gouvernement de transition a demandé au Conseil de sécurité et au Secrétaire général de l’ONU de transformer la mission en une opération de maintien de la paix des Nations Unies.
Violences commises par des groupes criminels
Selon les agences onusiennes, les groupes criminels contrôlent environ 85 % de Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, et sa zone métropolitaine. Ils se sont rapidement étendus dans des zones auparavant sûres de Port-au-Prince, ainsi que dans des régions clés telles que les départements de l’Ouest et de l’Artibonite, le centre agricole d’Haïti. Beaucoup de ces groupes criminels auraient des liens avec des officiers de police et des élites politiques et économiques.
En juin, la mission MMAS, dirigée par le Kenya, a débuté ses opérations. La Jamaïque, le Belize et les Bahamas ont fourni un petit nombre de personnels, portant début décembre son effectif total à seulement 416 officiers, bien en deçà des 2 500 prévus. La mission a participé à quelques patrouilles et opérations anticriminelles avec la police haïtienne, et développé d’importantes garanties de droits humains et des mécanismes de surveillance et d’établissement des responsabilités, mais elle reste dans la phase de pré-déploiement et continue de faire face à d’importants défis financiers et logistiques.
Lors de la session de l’Assemblée générale des Nations Unies fin septembre, le Conseil présidentiel de transition d’Haïti a demandé la transformation de la mission MMAS en une opération de maintien de la paix de l’ONU pour garantir un financement stable, renforcer ses capacités et les engagements pris par les États membres de l’ONU en faveur de la sécurité en Haïti. Cet appel a été soutenu par les États-Unis, principal bailleur de fonds de la MMAS, ainsi que par le Kenya et l’Organisation des États américains (OEA), entre autres. En novembre, le Conseil de sécurité de l’ONU a demandé au Secrétaire général de l’ONU de présenter des recommandations sur le rôle que l’ONU pourrait jouer pour aider à résoudre les crises sécuritaires, économiques et humanitaires qui secouent le pays.
L’ONU, l’Union européenne, le Canada et les États-Unis ont pris des mesures contre d’anciens responsables haïtiens et des groupes criminels, notamment un embargo sur les armes et des sanctions ciblées. Deux projets de loi ont également été présentés au Congrès américain visant à lutter contre les flux illégaux d’armes vers Haïti. Pourtant, les efforts internationaux, en particulier le soutien financier au MMAS, restent insuffisants.
Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a signalé que les groupes criminels ont tué au moins 5 601 personnes et en ont enlevé près de 1 500 en 2024.
Les violences sexuelles sont devenues généralisées. Les survivantes sont confrontées à un accès très limité ou inexistant aux services de protection et de soins. Entre janvier et octobre, 5 400 cas de violences basées sur le genre ont été signalées par le sous-secteur des violences basées sur le genre (VBG), dont 72 % impliquaient des violences sexuelles commises principalement par des membres de groupes criminels.
Les enfants sont parmi les plus durement touchés par la violence. La faim croissante et l’extrême pauvreté ont forcé des centaines, voire des milliers, d’enfants à rejoindre des groupes criminels, où ils sont contraints de se livrer à des activités illégales et de subir des abus, notamment les filles, victimes d’exploitation sexuelle et de travail forcé. Selon l’ONU, environ un demi-million d’enfants vivent sous la férule de ces groupes, qui comprennent au moins 30 % d’enfants dans leurs rangs.
Malgré la nomination d’un nouveau directeur général de la police et les contributions de partenaires d’Haïti, telles que le financement, l’équipement et les armes, la police continue de faire face à des déficits financiers, logistiques et en personnel pour protéger la population de la violence criminelle, exacerbés par l’afflux d’armes et de munitions vers Haïti, en grande partie en provenance de Floride.
En septembre, les groupes dits « d’autodéfense » auraient tué plus de 260 individus soupçonnés d’être liés à des organisations criminelles, souvent en collusion avec la police, et auraient également adopté ses tactiques, comme l’extorsion, selon l’ONU.
Droits économiques, sociaux et culturels
La crise sécuritaire et l’instabilité politique ont aggravé une situation humanitaire désastreuse. Selon la Banque mondiale, plus de 64 % des 11,7 millions d’habitants d’Haïti vivaient avec moins de 3,65 dollars par jour en 2024.
Dans un rapport couvrant la période d’août 2024 à février 2025, le Programme alimentaire mondial (PAM) a identifié Haïti comme ayant l’une des plus fortes proportions au monde de personnes souffrant d’insécurité alimentaire aiguë. Environ 5,5 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire et 5,4 millions sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, dont deux millions sont en situation d’urgence et 6 000 personnes en situation de faim catastrophique et d’effondrement de leurs moyens de subsistance.
La violence criminelle et les risques environnementaux ont gravement perturbé les activités économiques, entraînant des pertes importantes dans les activités agricoles et d’autres moyens de subsistance. Ces défis ont encore aggravé la pauvreté et accru le chômage dans tout le pays.
Seuls 40 % des Haïtiens avaient accès à l’électricité cette année, mais de manière intermittente et à des prix élevés. Quarante-cinq pour cent de la population est privée d’accès à l’eau potable et sept personnes sur 10 à un système d’assainissement amélioré, ce qui aggrave la propagation du choléra. En octobre, le ministère de la Santé publique et de la Population a signalé 87 382 cas suspects de choléra et 1 306 décès depuis le début de l’épidémie en octobre 2022.
Le système de santé haïtien est au bord de l’effondrement. Environ 20 % des établissements de santé restent opérationnels, et seulement 40 % fonctionnent à l’échelle nationale. Plus de 40 000 agents de santé ont fui le pays en raison de la violence, selon le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH). Alors que le système de santé s’effondre sous l’effet de la violence et de l’instabilité, deux Haïtiens sur cinq n’ont pas accès aux soins médicaux dont ils ont urgemment besoin.
Médecins Sans Frontières (MSF), qui fournit des soins de santé en Haïti depuis plus de 30 ans, a suspendu ses opérations dans la capitale fin novembre, en raison d’attaques de « groupes d’autodéfense » contre ses ambulances, ses patients et son personnel, ainsi que de menaces de mort et de viol visant son personnel, proférées par certains policiers. Au moment de la rédaction de ce chapitre, MSF n’avait pu rétablir la fourniture de certains de ses services médicaux.
Près de la moitié des Haïtiens âgés de 15 ans et plus sont analphabètes. Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Haïti compte environ 3,9 millions d’enfants en âge d’être scolarisés. Cependant, l’escalade de la violence a conduit à la fermeture de près de 1 000 écoles privées et publiques dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite au cours de l’année scolaire 2023-2024, affectant 300 000 élèves. De plus, la mauvaise qualité de l’enseignement public, les frais de scolarité élevés des écoles privées et les attaques criminelles contre les élèves et les écoles ont privé environ 1,2 million de petits Haïtiens d’accès à l’éducation.
Gouvernement de transition et élections
Après un dialogue politique mené par la CARICOM, une organisation régionale intergouvernementale regroupant des États d’Amérique, des Caraïbes et de l’océan Atlantique, le Premier ministre de l’époque, Ariel Henry, a démissionné fin avril, conduisant à la création d’un Conseil présidentiel de transition. Garry Conille, ancien directeur régional de l’UNICEF, a ensuite été nommé Premier ministre fin mai. Conille a été limogé après cinq mois de mandat par le Conseil présidentiel de transition, qui l’a remplacé par Alix Didier Fils-Aimé, un homme d’affaires haïtien.
Le gouvernement de transition est chargé de rétablir la sécurité, de faire respecter l’état de droit, de répondre d’urgence à la crise humanitaire et de préparer des élections libres et équitables en 2026. Haïti n’a plus de représentants élus au niveau national depuis janvier 2023 et son parlement est inactif depuis 2019.
Le Conseil électoral provisoire chargé d’organiser les élections a été établi, mais n'avait pas encore fixé de calendrier électoral au moment de la rédaction de ce chapitre.
Système judiciaire
L’appareil judiciaire reste quasiment inopérant, en grande partie à cause de la corruption, de la violence continue et des grèves fréquentes des magistrats et du personnel judiciaire. Des groupes criminels ont pris le contrôle des principaux bâtiments des tribunaux depuis plus de deux ans et peu de mesures ont été prises pour les relocaliser ou assurer la sécurité des fonctionnaires judiciaires.
D’octobre 2023 à octobre 2024, seulement 241 personnes ont été jugées au pénal dans tout le pays, a indiqué le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), une organisation non gouvernementale. La responsabilité des violations des droits humains passées et actuelles, notamment des massacres et des violences sexuelles, reste quasiment inexistante. Fin juillet 2024, un magistrat a renvoyé devant un tribunal pénal 30 personnes, dont l’ancien policier et actuel chef de groupe criminel Jimmy Chérizier, pour leur implication présumée dans le massacre de La Saline en 2018, qui avait fait plus de 70 morts, près d’une douzaine de femmes et de filles violées, et donné lieu au saccage et à l’incendie de plus de 150 habitations.
Début janvier, un autre juge a inculpé 51 personnes en lien avec l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse. Aux États-Unis, au moins sept personnes ont été condamnées pour cet assassinat et cinq autres doivent être jugées en janvier 2025.
Après que des groupes criminels ont attaqué deux grandes prisons de Port-au-Prince et que près de 5 000 détenus, dont plusieurs chefs de groupes criminels, se sont évadés, le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) en Haïti a signalé une multiplication des menaces et des attaques visant les journalistes, les défenseurs des droits humains et les représentants gouvernementaux.
En octobre, les prisons haïtiennes étaient remplies à hauteur de près de trois fois leur capacité d’accueil. La plupart des 7 581 détenus—dont 84 % étaient en attente de jugement—vivaient dans des conditions inhumaines, sans accès à une alimentation adéquate, à l’eau ou aux soins de santé. Entre janvier et octobre, 168 détenus sont décédés, la plupart de maladies étant liées à la malnutrition.
En 2020, par décret présidentiel, de nouveaux codes pénaux et de procédure pénale ont été adoptés, élargissant les alternatives à la détention provisoire. Les autorités ont reporté la mise en œuvre de ces codes, qui devaient entrer en vigueur en 2024.
Agissements de la police
Entre janvier et septembre, la police aurait tué plus de 900 personnes et en aurait blessé près de 600 autres lors d’opérations. Selon le BINUH, certaines auraient été tuées ou blessées à cause d’un usage excessif de la force. Le procureur de Miragoane a reconnu avoir été impliqué dans 26 cas d’exécutions extrajudiciaires ; cependant, les autorités n’ont pas encore enquêté sur ces cas.
De janvier à début octobre, le bureau des affaires internes de la police a ouvert 139 enquêtes, dont 34 pour violations présumées des droits humains. Vingt-six enquêtes ont été menées à terme, donnant lieu à 15 décisions administratives. Seulement deux ont fait l’objet de poursuites pénales.
Accès à l’avortement
L’avortement est totalement interdit en Haïti. Le nouveau code pénal dépénalisera l’avortement jusqu’à la douzième semaine de grossesse, et systématiquement en cas de viol ou d’inceste, ou lorsque la santé mentale ou physique de la personne enceinte est en danger. Il devait entrer en vigueur en 2024, mais cette date a été repoussée par les autorités.
Droits des personnes handicapées
Haïti a adhéré à la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2009, mais son cadre juridique contient toujours des dispositions discriminatoires. Selon l’ONU, 15 % de la population haïtienne présente un handicap, mais aucun recensement n’a été effectué depuis 2003, selon le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). Les personnes handicapées sont confrontées à des obstacles importants pour accéder aux services essentiels et subissent une stigmatisation généralisée.
Le BINUH, le Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées et des organisations locales ont tiré la sonnette d’alarme quant à l’impact de la violence criminelle sur cette catégorie de la population.
Déplacements internes et migrations
Près de 703 000 Haïtiens, dont 25 % d’enfants, sont déplacés dans le pays. Ce chiffre représente plus du double de celui de 2022, faisant d’Haïti le pays où les déplacements par habitant sont les plus élevés au monde, en raison de la violence criminelle, selon l’Organisation internationale des migrations (OIM). La plupart des personnes déplacées vivent dans des campements informels avec un accès insuffisant à la nourriture, à l’eau, à l’assainissement, au logement et aux soins médicaux. Soixante-quinze pour cent de ces sites sont situés dans des zones contrôlées par des groupes criminels ou des zones à haut risque, ce qui augmente leur exposition à la violence, selon l’ONU.
De nombreux Haïtiens ont fui le pays, souvent en empruntant des itinéraires dangereux. De janvier à la mi-décembre 2024, des gouvernements étrangers ont renvoyé près de 200 000 personnes en Haïti, malgré les risques pour leur vie et leur intégrité physique et l’appel du HCR à étendre la protection des réfugiés aux Haïtiens en vertu de la Déclaration de Carthagène de 1984. La République dominicaine est responsable de 97 % de ces expulsions retours, le reste étant représenté par les États-Unis, les Bahamas, les îles Turques-et-Caïques et Cuba.
En juin, le gouvernement américain a prolongé de 18 mois le statut de protection temporaire (TPS) pour les Haïtiens, mais ces derniers continuent de se heurter à des difficultés pour accéder au programme de libération conditionnelle humanitaire. Les Haïtiens ayant fait l’objet d’une condamnation pénale et ceux qui sont arrivés après la date limite de juillet 2024 pour bénéficier du statut de protection temporaire ont été expulsés vers Haïti. Depuis octobre 2023, les garde-côtes américains ont intercepté 857 Haïtiens en mer avant de les renvoyer dans leur pays.
Gangstérisation en Haïti : outil de contrôle politique, économique et sphère d'influence internationale
Gangstérisation, miroir d'une crise systémique -
La gangstérisation en Haïti est devenue l'un des symboles les plus marquants de la crise multidimensionnelle que traverse le pays. Ce phénomène, qui dépasse largement la simple insécurité, s'inscrit au carrefour d'enjeux politiques, économiques, sociaux et géopolitiques. Si l'émergence des gangs armés peut s'expliquer par la fragilité structurelle de l'État et l'effondrement des institutions publiques, leur expansion et leur consolidation révèlent des dynamiques complexes où se croisent des intérêts locaux et internationaux.
Les groupes armés, qui contrôlent aujourd'hui de vastes portions du territoire national, ne se limitent pas à des activités criminelles. Ils participent à une forme de gouvernance parallèle, en comblant les vides laissés par l'État moribond tout en se transformant en acteurs influents de la vie politique et économique. Derrière cette gangstérisation se dessinent des stratégies de domination qui servent aussi bien les intérêts d'élites locales que ceux d'acteurs étrangers, au détriment du peuple haïtien.
Cette analyse explore deux dimensions essentielles de ce phénomène. La première examine l'ingérence internationale, notamment le rôle des Nations Unies et du Core Group, notamment les États-Unis, dans la perpétuation de cette insécurité organisée. La seconde se penche sur l'impact des Organisations Non Gouvernementales (ONG), souvent accusées d'aggraver la dépendance économique et de renforcer indirectement l'emprise des gangs. Ces deux axes permettent de comprendre comment la gangstérisation est devenue un outil de contrôle et d'influence à la fois interne et externe, exacerbant la crise systémique d'Haïti.
En plongeant dans ces enjeux, nous cherchons à éclairer les mécanismes qui alimentent cette situation, tout en soulignant l'urgence d'une refondation institutionnelle et d'un nouveau modèle de coopération internationale, capable de favoriser la stabilité et le développement durable.
Ingérence internationale et gangstérisation -
Le rôle des acteurs de l'Internationale dans le phénomène de gangstérisation en Haïti constitue une composante clé de la crise actuelle. Les missions de maintien de la paix, telles que la MINUSTAH (2004-2017) et, plus récemment, le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), qui a succédé à la Mission des Nations Unies pour l'appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), créée en 2019 par la résolution 2476 du Conseil de sécurité des Nations Unies adoptée le 25 juin 2019, avaient pour mandat principal de conseiller le gouvernement haïtien dans des domaines cruciaux tels que la gouvernance, la sécurité, et la protection des droits humains, tout en promouvant la stabilité politique et le développement durable.
Ces missions ont cependant échoué dans leur objectif initial, notamment le désarmement des groupes armés, ce qui a favorisé l'émergence de conditions propices à la généralisation de l'insécurité. Par leurs limites, elles ont permis aux gangs de se structurer, de se renforcer et d'intensifier la violence sur l'ensemble du territoire national.
Tout semble permis aux officiels des grandes puissances agissant en Haïti. La stupéfaction atteint son comble lorsque l'ambassadeur américain a admis avoir eu des contacts occasionnels avec des chefs de gangs. Il a justifié ces interactions par la nécessité d'assurer la sécurité de l'ambassade et de son personnel, ainsi que de faciliter certaines interventions. Cette déclaration a été faite sur Radio Télé Métropole lors de l'émission le Point, dans une interview menée par M. Wendel Théodore le 29 octobre 2024, et a été largement relayée dans les médias haïtiens et internationaux.
Cette admission de dialogue a suscité de vives critiques en raison de son potentiel à légitimer des acteurs violents dans un contexte d'insécurité aiguë.
De plus, Mme Hélène Lalime, la représentante spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies, la cheffe de (BINUH), est accusée d'avoir facilité la création et la consolidation de la puissante fédération de gangs et aurait défendu l'existence du "G9 an Fanmi ak Alye Manyen Yonn Manyen Tout". Ces accusations ont été rapportées par divers médias et attribuées à ses plaidoyers lors des discussions au Conseil de sécurité des Nations Unies.
Les gangs jouent également un rôle dans la sphère des intérêts internationaux, servant parfois de "canaux" pour des pratiques illicites, notamment le trafic de drogue, ou comme outils d'influence étrangère visant à maintenir un certain "ordre" ou une instabilité contrôlée. Ces groupes criminels sont des acteurs d'une forme de "guerre par procuration", utilisés pour préserver des intérêts géopolitiques ou commerciaux au détriment des processus démocratiques et du développement économique en Haïti.
Louis (2024), avance : "Les gangs en Haïti sont souvent perçus comme les instruments invisibles d'une influence internationale indirecte, où l'inaction de la communauté internationale contribue à l'instabilité locale, parfois au détriment des processus démocratiques et économiques. Leur croissance est alimentée non seulement par la faiblesse de l'État, mais aussi par des dynamiques géopolitiques globales".
L'interdiction rapportée par certains médias concernant l'usage de fusils utilisant des munitions de calibre 7,62 mm par les forces de sécurité haïtiennes soulève des interrogations majeures sur la souveraineté de la politique de sécurité nationale. Ce type de décision, attribué à l'ambassade des États-Unis, si avérée, pourrait s'inscrire dans une dynamique plus large de contrôle indirect des moyens d'action des forces haïtiennes. Les armes de ce calibre, largement utilisées dans la lutte contre les gangs lourdement armés, constituent un outil essentiel pour rétablir l'ordre public dans des zones où les bandits sont mieux équipés que les forces régulières. Limiter leur usage reviendrait à handicaper davantage une police nationale déjà sous-équipée et une armée renaissante encore embryonnaire.
Cette situation, si elle est confirmée, rappelle l'importance pour Haïti de repenser ses alliances stratégiques et de diversifier ses partenariats en matière de sécurité. Des organisations indépendantes et des experts en sécurité régionale ont souvent critiqué le rôle ambivalent des États-Unis en Haïti, oscillant entre assistance et ingérence. Saint-Vil, Leslie Péan (2015)
ONG et gangstérisation -
Les premières formes d'ONG remontent au 19ᵉ siècle, mais leur essor massif en tant qu’acteurs mondiaux s’est particulièrement accéléré après la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte marqué par la décolonisation, la reconstruction et l’émergence des institutions internationales. Leur mandat s'est élargi dans les années 1970 pour répondre aux crises humanitaires croissantes et au désengagement des États, engendré par les politiques d'ajustement structurel (Dezalay et Garth, 2002).
En Haïti, les premières ONG ont commencé à s'implanter dès les années 1940-1950, mais leur présence s'est intensifiée dans les années 1970, en réaction aux crises socio-économiques. Depuis, elles jouent un rôle central, bien que controversé, dans le développement et l'aide humanitaire du pays. Leur prolifération a coïncidé avec des moments de crise majeurs, tels que la chute du régime de Jean-Claude Duvalier en 1986, l'embargo international des années 1990, et surtout le tremblement de terre dévastateur de 2010.
Ces événements ont accentué la fragilité de l'État et ouvert un espace aux ONG pour remplir des fonctions normalement dévolues aux institutions publiques. Selon Olivier (2017), ces organisations se présentent comme des "opérateurs de substitution" mais répondent essentiellement aux intérêts de leurs bailleurs de fonds internationaux. Il critique aussi l'effet "pervers" des ONG, qu'il accuse de renforcer des systèmes d'exclusion sociale en traitant les symptômes de la pauvreté sans s'attaquer à ses causes structurelles. Leur mission officielle de soutien aux populations vulnérables est minée par des logiques néocoloniales. Le sociologue Ilionor Louis décrit une "gestion stratégique de la pauvreté" qui fait des ONG des acteurs au service davantage des agendas de leurs bailleurs internationaux que les besoins réels des communautés haïtiennes, aggravant ainsi la dépendance économique.
Depuis plusieurs décennies, Haïti est souvent qualifiée de "République des ONG", une expression qui reflète à la fois la dépendance croissante du pays envers ces organisations et les critiques de plus en plus vives concernant leur véritable impact sur le développement et la stabilité sociale. Bien que les ONG affichent une mission d'aide humanitaire et de développement, leur mode d'intervention a contribué à des dynamiques délétères, notamment la gangstérisation et l'affaiblissement progressif de l'autorité de l'État. Elles ont joué un rôle dans la consolidation d'un ordre économique et politique à caractère néocolonial.
Dans ce contexte, leur implication dans la gangstérisation d'Haïti se manifeste à travers :
- La légitimation des groupes armés :
Dans des zones comme Cité Soleil, Canaan, Croix des Bouquets, Bas-Delmas, Martissant, Gran Ravin, Torcel l'accès humanitaire s'est souvent heurté à la présence et au contrôle des gangs armés, certaines organisations non gouvernementales (ONG) négocient directement avec leurs chefs. Des organisations comme VIVA RIO et Médecins Sans Frontières (MSF) ont ainsi dû établir un dialogue avec ces acteurs pour pouvoir opérer, ce qui, paradoxalement, leur a conféré une reconnaissance implicite. Ces négociations, jugées indispensables par leurs auteurs pour acheminer une aide vitale aux communautés, ont indirectement renforcé l'autorité des gangs dans leurs zones d'influence. Comme l'explique Pierre-Louis (2008), cette reconnaissance de facto consolide leur statut de figures de pouvoir local.
Olivier (2017) souligne que cette dynamique a permis aux bandes criminelles d'étendre leur contrôle, en réorientant parfois les ressources obtenues à travers ces accords vers l'achat d'armes, tout en tirant profit des avantages matériels et logistiques pour asseoir davantage leur domination. Ces chefs de gangs, devenus des intermédiaires incontournables pour les interventions humanitaires, en tirent également un capital symbolique en se présentant comme des protecteurs ou des gestionnaires des communautés sous leur joug. Cela les place dans une posture favorable, non seulement pour renforcer leur emprise locale, mais aussi pour légitimer leur autorité auprès des populations, au détriment de l'État, déjà fragile et absent dans ces zones marginalisées.
La distribution, la redistribution et le renforcement des gangs locaux :
Dans certaines régions d'Haïti, des ONG ont collaboré avec des « leaders locaux » pour distribuer de l'aide alimentaire et d'autres ressources. Cependant, ces leaders se sont fréquemment révélés être des membres de gangs ou leurs alliés proches, ce qui a renforcé leur influence et leur légitimité en tant qu'autorités locales. Frédéric Thomas, analyste au Centre Tricontinental (CETRI), met en évidence comment l'effondrement des institutions publiques haïtiennes a facilité l'instrumentalisation des ressources humanitaires par les groupes armés. Cette situation a permis aux gangs de se positionner comme les interlocuteurs privilégiés pour la distribution de l'aide, consolidant ainsi leur pouvoir sur le terrain (Thomas, CETRI, 2024).
Après le séisme de 2010, des distributions massives de nourriture et d'équipements, souvent sans contrôle rigoureux, ont été capturées par des gangs locaux. Ces groupes ont utilisé les ressources pour étendre leur base de soutien, en redistribuant l'aide aux communautés sous leur contrôle, une pratique qui a détruit l'image des ONG en tant qu'acteurs supposés neutres (Pierre-Louis, 2020).
- L'affaiblissement des structures étatiques :
En prenant en charge des fonctions essentielles comme la santé, l'éducation et l'accès à l'eau potable, les ONG ont contribué à marginaliser l'État haïtien, sapant sa légitimité et aggravant son incapacité à assumer ses devoirs régaliens. Cette substitution progressive de l'État par les organisations internationales a renforcé sa dépendance à l'égard de l'aide extérieure, entravant la construction d'institutions publiques solides et autonomes.
L'absence de coordination entre les ONG a non seulement exacerbé la fragmentation des efforts de développement, mais a également mené à un fonctionnement parallèle de l'aide humanitaire. Ce système
déconnecté des priorités locales et nationales, a parfois des actions mal orientées, comme des détournements de ressources, une mauvaise allocation des fonds, ou encore le renforcement indirect du contrôle exercé par des gangs dans certaines zones, ou l'aide devient un outil de pouvoir et de négociation.
Selon Louis (2016), cette approche fait des ONG des "acteurs déstabilisateurs", détruisant les fondements de la souveraineté nationale en contournant les structures étatiques et en créant une dynamique où l'État est relégué au second plan. Cette "balkanisation de l'aide", comme il le souligne, empêche toute planification cohérente et intégrée du développement, renforçant les divisions sociales et économiques déjà profondes.
De plus, le manque de synergie entre les acteurs humanitaires et les autorités locales a contribué à l'émergence d'une gouvernance fragmentée, où les interventions ponctuelles et non concertées des ONG desservent souvent les populations qu'elles visent à aider. Ce phénomène a eu pour conséquence de consolider une économie de survie dépendante de l'aide extérieure, entravant les efforts visant à promouvoir un développement durable et équitable.
En résumé, l'affaiblissement des structures étatiques par la prolifération d'initiatives humanitaires non coordonnées illustre un paradoxe tragique : bien que les ONG prétendent leur intention d'atténuer les souffrances, pourtant leur approche renforce la fragilité institutionnelle et l'instabilité du pays.
- La fragmentation et la concurrence entre ONG :
Les ONG, dans leur quête de financement et d'influence, se livrent parfois à des luttes aussi intenses et violentes que celles observées entre gangs rivaux, cherchant à s'accaparer des territoires d'intervention. Dans ce contexte, il n'est pas rare que certaines d'entre elles s'associent avec des groupes armés ou des factions de gangs, non seulement pour sécuriser leurs opérations mais aussi pour éliminer ou affaiblir des concurrents sur le terrain. Cette alliance stratégique permet parfois de gagner du terrain en évitant des conflits directs avec des groupes puissants localement.
Cependant, cette dynamique de concurrence n'est pas sans conséquences. L'absence de coordination entre les ONG est un problème récurrent, particulièrement visible après des catastrophes majeures. Sans une collaboration effective, les interventions se trouvent souvent éclatées, doublonnant certaines actions et négligeant d'autres besoins urgents. Ces interventions fragmentées ne permettent pas d'optimiser les ressources et aboutissent parfois à des résultats incohérents. En outre, certaines ONG, attirées par des financements plus importants ou par des priorités politiques, ont tendance à concentrer leurs efforts dans les zones urbaines stratégiques, là où les enjeux médiatiques sont plus visibles. En conséquence, les régions rurales, qui sont pourtant les plus vulnérables à la pauvreté et à la violence, se retrouvent souvent sous-financées et ignorées, exacerbant les inégalités et fragilisant davantage ces populations. Pierre-Louis (2020)
Gangstérisation, expression d'une crise multidimensionnelle
Le phénomène de gangstérisation en Haïti illustre une crise à la fois politique, économique et sociale, amplifiée par des dynamiques internationales ambiguës. D'un côté, l'ingérence étrangère, incarnée par les missions de l'ONU et les politiques des grandes puissances comme les États-Unis, a non seulement échoué à renforcer les institutions étatiques mais a parfois contribué directement ou indirectement à l'enracinement des groupes armés. D'un autre côté, la prolifération des ONG et leur rôle dans le détournement des ressources humanitaires, la légitimation des chefs de gangs, et l'affaiblissement de l'État haïtien révèlent des logiques néocoloniales qui alimentent les dysfonctionnements structurels.
Ces constats mettent en lumière une double instrumentalisation de la gangstérisation : d'abord comme outil de contrôle local par les acteurs internationaux et ensuite comme moyen de domination interne par des élites en quête de maintien au pouvoir. La gangstérisation ne peut donc pas être perçue uniquement comme une conséquence de la faiblesse de l'État haïtien, mais bien comme le résultat d'un système global où l'inaction, voire la complicité, de la communauté internationale joue un rôle déterminant.
Enfin, pour contrer ce fléau, il est indispensable de repenser les modèles d'intervention internationale en Haïti, en réaffirmant la souveraineté de l'État, en renforçant ses capacités institutionnelles et en adoptant une approche qui privilégie la transparence et la responsabilité. Il s'agit aussi de revisiter le rôle des ONG et de promouvoir une coopération basée sur les besoins réels des communautés locales, afin de réduire les dynamiques qui nourrissent l'insécurité et l'instabilité. La gangstérisation, symptôme de cette crise multidimensionnelle, demeure à la croisée des intérêts étrangers et des luttes internes, et sa résorption exigera une nouvelle approche tant nationale qu'internationale.
Bibliographie
1- Djems Olivier, Haïti : Républiques d'ONG. Économie politique de l'humanitaire, Paris, L'Harmattan, 2017.
2- Ilionor Louis, Dynamiques géopolitiques et gangstérisation en Haïti : Une analyse critique, Port-au-Prince : Éditions Sociales, 2024.
3- Pierre-Louis, François, Les ONG et la gestion des crises en Haïti. Éditions de l'Université d'État d'Haïti, Port- au-Prince, 2008.
4- Saint-Vil, Leslie Péan. Haïti : Économie politique de la corruption - Les mafias étatiques face à la société. Montréal : Mémoires d'encrier, 2015.
5- Yves Dezalay et Bryant G. Garth, La mondialisation des guerres judiciaires, Paris, Seuil, 2002.
Articles
1- Frédéric Thomas, Le rôle des ONG dans l'instabilité en Haïti, CETRI, 2024.
2- L'impact des pratiques humanitaires sur la gouvernance locale, RFI, 2024.
3- Haïti : « de temps en temps, l'ambassade américaine a des contacts avec les gangs », avoue l'ambassadeur. Radio Télé Métropole, décembre 2024. Accessible en ligne via : Pousioupatkonnen
4- ONU et Haïti : Hélène Lalime accusée de soutenir le G9. Haïti Observateur, décembre 2024. Accessible en ligne via : Haiti Observateur (consulté le 3 décembre 2024).
5- Pierre-Louis François, "L'aide internationale et les dynamiques locales: Un regard sur Haïti après 2010", Revue Haïtienne des Sciences Sociales, vol.38, 2020.
Grand Pré, 14 Décembre 2024
Hugue CÉLESTIN
Sociologue
Haïti : Une année 2024 épouvantable
Que nous réserve l’année 2025 ?
Par Sauveur Pierre Etienne*
Soumis à AlterPresse le 26 décembre 2024
L’année 2024 s’en va, laissant les Haïtiennes et les Haïtiens dans le deuil et la désolation : massacres, incendies criminels, kidnappings, tortures atroces, scènes d’anthropophagie, déplacements de populations, inondations, crise humanitaire aiguë, famine de grande ampleur… Une situation cauchemardesque qui continuera de nous hanter pendant longtemps encore. Comment en sommes-nous arrivés là ?
À la chute de la dictature des Duvalier (7 février 1986), dans le sillage de la politique néolibérale de Margareth Thatcher et de Ronald Reagan visant à affaiblir l’État dans les pays du Sud, une frange importante de la classe politique haïtienne jurait de démanteler l’État (kraze Leta) sans se préoccuper d’une structure alternative susceptible de remplir tout au moins sa fonction répressive. Avec le coup d’État du 29 septembre 1991, l’embargo sollicité par l’ancien président Jean-Bertrand Aristide et imposé à Haïti par les États-Unis a fini par déstructurer une économie déjà rachitique. La signature de l’Accord de Paris (Stratégie de reconstruction sociale et économique), le 22 août 1994, par Leslie Delatour et Leslie Voltaire, les deux représentants du président Jean-Bertrand Aristide, comme condition sine qua non de l’intervention des troupes américaines en Haïti, devait entraîner la démobilisation de l’Armée d’Haïti en 1995 et la liquidation des entreprises publiques. L’imposition aux dirigeants haïtiens de l’importation massive du riz de l‘Arkansas par le président Bill Clinton sonna le glas de ce qui restait encore de l’agriculture haïtienne. Dès lors, la société haïtienne, déjà sous perfusion, respirera difficilement grâce à l’oxygène que lui fournissent la diaspora, les ONG et surtout le trafic de la drogue.
L’effondrement de l’État haïtien en 1994 et en 2004, le tremblement de terre du 12 janvier 2010, les événements du 6 et 7 juillet 2018, du 17 octobre, du 18 novembre 2018, du 7 au 15 février 2019, tsunami politique dévastateur (Opération pays lock), l’assassinat du président Jovenel Moïse, dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021 (nouvel effondrement de l’État haïtien), et la fédération des gangs armés par la représentante du Secrétaire général de l’ONU, l’ambassadrice Hellen Lalime, portent le processus d’effondrement sociétal à son paroxysme. La suspension des vols aériens et l’embargo sur les armes imposé à Haïti par Washington, qui ne parvient pas toutefois à empêcher les gangs lourdement armés de s’approvisionner en armes de guerre et en munitions aux États-Unis, mettent à nu l’hypocrisie et le cynisme de la communauté internationale.
Ainsi, la classe politique haïtienne, le secteur privé des affaires, la société civile, les gangs/terroristes, les cartels de Calí, de Medellín et de Sinaloa, de même que la communauté internationale, créent en Haïti une situation d’anarchie sanglante et de chaos généralisé. L’enfer et l’apocalypse ont maintenant un autre nom : Haïti.
En conséquence, celles et ceux qui s’autoproclament autorités en Haïti sont maintenant face à leur destin : mettre fin à la violence endémique, à l’impunité et la corruption structurant le système politique haïtien ou se retrouver dans la poubelle de l’histoire. En d’autres termes, intervenir pour infléchir le cours des événements, c’est-à-dire se hisser à la hauteur de Toussaint Louverture et de Jean-Jacques Dessalines, ou continuer à se mettre à plat ventre devant la communauté internationale et à nager sans vergogne dans l’océan de violence aveugle, d’impunité et de corruption qui finira par nous engloutir toutes et tous.
Telles sont mes réflexions sur la terrible année 2024 et mes vœux pour le Nouvel An.
*Politologue
Criminalité : 13 chauffeurs de transports publics et 22 passagers assassinés en 2024 en Haïti - L’Apch très inquiète
27 décembre 2024
Haïti, 27 déc. 2024 [AlterPresse] --- Du lundi 1er janvier au vendredi 20 décembre 2024, (un nombre de) 13 chauffeurs de transports en commun ont été tués, dont 3 calcinés, sur le territoire national, selon un bilan présenté par l’Association des propriétaires et chauffeurs d’Haïti (Apch) pour l’année 2024 et transmis à l’agence en ligne AlterPresse.
22 passagères et passagers ont été également tués dans différentes zones sensibles.
Aucun effort n’est fait par les autorités étatiques,en vue de sortir Haïti de cette situation, déplore sur la plateforme AlterPresse / AlterRadio le président de l’Apch, Méhu Changeux, augurant combien l’année 2025 risque de ne pas être meilleure que l’année 2024.
Les routes nationales demeurent toujours bloquées, tandis que les territoires perdus augmentent, signale l’Apch, appelant à plus de responsabilité des dirigeants politiques, qui font la sourde oreille aux revendications de la population pour le rétablissement de la sécurité.
L’état n’arrive pas à assister les chauffeurs de transports publics, malgré que nous payions des taxes, regrette Méhu Changeux.
Le calvaire des chauffeurs, passagères et passagers
- Du lundi 1er janvier au vendredi 20 décembre 2024, quatre (4) chauffeurs de transports publics et 46 passagers ont été blessés par balles, notamment à Martissant, Mariani (sud de la capitale), au centre-ville de Port-au-Prince et Liancourt (département de l’Artibonite), souligne l’Apch.
- 9 chauffeurs ont été aussi enlevés par des bandits armés dans des zones non précisées.
- 198 passagères et passagers ont été également kidnappé-e-s, principalement dans le département de l’Artibonite au niveau de Savien, Liancourt, ainsi que dans le département de l’Ouest, notamment dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince, spécialement à Morne à Cabris (vers le nord-est de Port-au-Prince).
- 167 véhicules de transports en commun, transportant des passagères et passagers et des marchandises, ont été volés.
- Au cours de cette même période, 9 véhicules ont été détournés avec marchandises et occupantes et occupants, principalement à Savien et Liancourt, rappelle l’Apch.
- 12 véhicules ont été touchés par des tirs de bandits ou de la Police nationale d’Haïti (Pnh), à Gressier (à environ 29 km au sud de Port-au-Prince) et au centre-ville de Port-au-Prince.
- 667 véhicules ont été incendiés dans plusieurs zones, dont Portail Léogâne, Solino, Delmas 19, Nazon ainsi qu’à Savien.
- 246 véhicules ont été endommagés par des engins de la Pnh ou des Forces armés d’Haïti (Fad’h).
- 37 immeubles ainsi que des bureaux de syndicats et d’entreprises de transports en commun ont été attaqués, vandalisés ou incendiés au Boulevard Jean-Jacques Dessalines, au niveau de la station des Gonaïves, à Portail Léogâne, dans la zone communément appelée « la route de piste », et à l’angle des routes de Delmas et de l’aéroport international de Port-au-Prince, toujours selon le bilan de l’Apch,
Depuis le début de l’année 2024, plus de 5,350 personnes ont été tuées et plus de 2 155 autres blessées, à cause des actes de violences des gangs armés, ont signalé le Bureau intégré des Nations unies (Binuh) et le Haut-commissariat des Nations unies aux droits humains (Hcdh).
De janvier 2023 à fin décembre 2024, plus de 700 mille personnes, principalement dans la capitale Port-au-Prince et dans le département de l’Artibonite, ont été contraintes de se déplacer à cause de la terreur et d’autres violences des gangs armés en Haïti, confrontée une crise alimentaire sans précédent. [mff emb rc apr 26/12/2024 10:35]
Haïti ensanglantée : le règne de terreur de Jean-Claude Duvalier et des Tontons Macoutes
Jean-Claude Duvalier, surnommé "Baby Doc", est une figure emblématique et très controversée de l'histoire haïtienne. Son ascension au pouvoir, son règne autoritaire, avec l'aide des Tontons Macoutes et le soutien financier de l'Oncle Sam, et sa chute sont des événements marquants et tragiques qui ont profondément influencé la politique et la société d'Haïti.
L'ascension au pouvoir
Jean-Claude Duvalier est né le 3 juillet 1951 à Port-au-Prince, la capitale d'Haïti. Fils du président à vie François Duvalier, également connu sous le nom de "Papa Doc", Il a grandi dans l'ombre d'un père qui a instauré un régime dictatorial en 1957. François Duvalier a utilisé la peur et la répression pour maintenir son pouvoir, s'appuyant sur la milice des Tontons Macoutes pour terroriser la population et l'opposition.
Le 22 avril 1971, à la mort de son père, Jean-Claude, alors âgé de 19 ans, lui succède à la présidence. Son accession au pouvoir est marquée par une transition qui, bien que contestée, est facilitée par le soutien des États-Unis et d'autres pays occidentaux, qui voyaient en lui un rempart important contre le communisme. Jean-Claude Duvalier est rapidement confirmé par un référendum qui lui accorde des pouvoirs étendus, et il est officiellement élu président à vie en 1977. Au nom de l'anticommunisme, les États-Unis ont soutenu pendant près de trente ans le régime le plus sanguinaire des Caraïbes.
Le règne de Baby Doc
Le régime de Jean-Claude Duvalier est caractérisé par une continuité des pratiques autoritaires de son père, mais avec des nuances. Au début de son mandat, il tente de se distancier de l'image brutale de son père, adoptant une approche plus moderne et tentant de séduire la classe moyenne haïtienne. Cependant, cette façade ne dure pas longtemps. Les violations des droits de l'homme, la corruption et la répression politique continuent de marquer son règne.
Durant les années 1970 et 1980, Duvalier bénéficie d'une aide économique substantielle des États-Unis, qui voient en lui un allié stratégique. Cependant, cette aide ne parvient pas à améliorer les conditions de vie de la population haïtienne, qui souffre de la pauvreté et de l'absence de services publics. Les inégalités sociales se creusent, et la colère populaire commence à monter.
Les Tontons Macoutes, la milice personnelle de Duvalier, continuent de terroriser l'opposition politique et les dissidents. Les arrestations arbitraires, les disparitions et les exécutions sommaires deviennent monnaie courante. La répression atteint son paroxysme en 1980, lorsque des manifestations étudiantes sont violemment réprimées. Cette répression brutale suscite une indignation internationale croissante et met en lumière l'ampleur des violations des droits de l'homme en Haïti. En réponse, des organisations de défense des droits de l'homme, comme Amnesty International, se mobilisent pour dénoncer les crimes du régime et soutenir les victimes.
La chute de Jean-Claude Duvalier
À la fin des années 1980, la situation en Haïti devient de plus en plus instable. La crise économique s'aggrave, et la pression internationale sur le régime de Duvalier augmente. Les mouvements de contestation se multiplient, et les Haïtiens commencent à revendiquer des réformes démocratiques. En 1986, après des mois de manifestations massives et de désobéissance civile, Jean-Claude Duvalier est contraint de fuir le pays, lâché par l'Oncle Sam. Le 7 février 1986, il s'exile en France, laissant derrière lui un pays en proie à la colère et à la désillusion.
La chute de Duvalier marque un tournant dans l'histoire d'Haïti. Son départ ouvre la voie à une période de transition politique, mais le pays est confronté à de nombreux défis. Les années qui suivent sont marquées par l'instabilité, les coups d'État et la lutte pour la démocratie.
Exil en France et retour en Haïti
En exil, loin de son pays, Jean-Claude Duvalier vit en France pendant près de 25 ans. En janvier 2011, il fait un retour surprise en Haïti, suscitant l'indignation et la colère de nombreux Haïtiens qui l'accusent d'avoir volé des millions de dollars pendant son règne. Son retour est perçu comme une provocation, et des appels à la justice se multiplient.
En 2013, Jean-Claude Duvalier est mis en examen pour corruption et crimes contre l'humanité, mais il ne sera jamais jugé, ni même emprisonné. La justice haïtienne fait preuve de lenteur et d'un laxisme indiscutable. Il passe les dernières années de sa vie dans sa somptueuse résidence de Pétion-Ville, localité située dans la banlieue de Port-au-Prince. Sa mort, survenue le 4 octobre 2014, des suites d'une crise cardiaque, met un terme à une saga politique familiale qui a profondément marqué Haïti.
L'ascension et la chute de Jean-Claude Duvalier illustrent les défis auxquels Haïti a été confronté au cours du XXe siècle. Son règne autoritaire a laissé descicatrices profondes dans la société haïtienne, et les conséquences de ses actions continuent d'influencer la politique du pays aujourd'hui. L'instabilité politique chronique, exacerbée par une violence endémique et une insécurité généralisée, asphyxie Haïti. Ce contexte de fragilité extrême empêche le pays, déjà le plus pauvre des Amériques, de sortir de la pauvreté et de se développer.
Haïti membre de l’Union Africaine, une occasion de renaître pour le panafricanisme
Par Benoit S NGOM, Président de l’académie Diplomatique Africaine
Le 1er janvier 2025, Haïti célèbre le 220ᵉ anniversaire de son indépendance dans un contexte particulièrement difficile. Cette situation n’a pas laissé indifférents certains États africains, à l’image du Kenya, qui ont décidé de lui venir en aide. Cette commémoration est une occasion unique pour l’Afrique, à travers l’Union africaine (UA), de réaffirmer solennellement sa solidarité envers cette république composée exclusivement d’Afro descendants, en invitant son Premier ministre au prochain Sommet de l’UA des chefs d’État et de gouvernement.
L’Union africaine se doit d’admettre Haïti en tant qu’État membre, d’autant plus que cette volonté a été officiellement exprimée en janvier 2014 par le Premier ministre haïtien Laurent Salvador Lamothe. En effet, la résolution relative à la diaspora – considérée comme la 6ᵉ région de l’Afrique – reconnaît comme Africain toute personne revendiquant son appartenance au continent. Étant donné qu’Haïti est le seul État au monde composé exclusivement de citoyens afrodescendants, il semble légitime que ce pays puisse introduire une requête auprès de l’UA et mobiliser la reconnaissance d’une majorité d’États membres en vue de son admission.
À cet égard, il convient de rappeler que l’article 29 de l’Acte constitutif de l’UA ne stipule pas qu’un État membre doit nécessairement se situer sur le continent africain. Les rédacteurs de cet acte avaient probablement en tête ces territoires insulaires à travers le monde, géographiquement situés dans un continent donné mais juridiquement rattachés à des États appartenant à d’autres régions. L’admission d’Haïti à l’Union africaine constituerait une avancée majeure après la reconnaissance de la diaspora en tant que 6ᵉ région. Ce serait aussi une marque de reconnaissance à l’égard de l’Assemblée générale des Nations unies qui avait déclaré la période allant de janvier 2015 à décembre 2024 « Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine ». Une telle décision serait enfin un signal fort montrant que l’Afrique choisit résolument d’assumer ses responsabilités envers ses descendants, dont les ancêtres ont été arrachés à leur terre d’origine.
L’Amérique ségrégationniste et la nouvelle république d’Haïti
L’hostilité initiale des États-Unis
Au début du XXe siècle, dans une Amérique encore profondément marquée par le racisme et la ségrégation, la simple existence d’une République noire indépendante à sa « frontière » faisait figure de menace symbolique pour les tenants de la suprématie blanche. L’idée qu’« un peuple noir puisse se gouverner lui-même » contredisait l’idéologie ségrégationniste.
Intervention et occupation (1915-1934)
À partir de 1910, les Américains commencèrent à prendre des parts au capital de la Banque d’Haïti, réduisant d’autant la mainmise financière de la France. En 1915, prétextant l’instabilité politique, l’armée américaine débarqua en Haïti et occupa militairement le pays. Les États-Unis exigèrent, sous leur propre autorité, l’adoption d’une nouvelle constitution et le remboursement de la dette. Durant cette période d’occupation (1915-1934), de nombreux excès furent commis, suscitant l’indignation d’une partie de la communauté internationale. Les troupes américaines ne se retirèrent qu’en 1934, sous la pression internationale, alors que le pays restait grevé par ses dettes et l’absence d’infrastructures de base.
Dette morale et réparations financières
Le rôle de l’Afrique et sa part de responsabilité historique
Certes, la traite négrière n’aurait pas pu s’implanter à si grande échelle sans la participation de certains potentats africains, qui vendaient des prisonniers de guerre ou des populations vulnérables. Toutefois, la traite transatlantique mit en place un système d’exploitation et de déshumanisation totalement nouveau, à une échelle industrielle, qui différait largement des formes d’esclavage traditionnel préexistantes. Aujourd’hui, la diaspora africaine – reconnue comme la « 6ᵉ région » de l’Union africaine – rappelle la nécessité d’une prise de conscience partagée.
Haïti membre de l’Union Africaine
La diaspora africaine, « 6ᵉ région » de l’UA
L’Union africaine a fait un pas significatif en reconnaissant sa diaspora comme la 6ᵉ région du continent. Les liens historiques entre Haïti et l’Afrique sont indéniables : c’est une terre peuplée presque exclusivement de descendants d’Africains, dotée d’une culture et de traditions qui puisent aux sources africaines.
Intégration et solidarité panafricaine
Pour de nombreux observateurs, il serait juste et symboliquement fort qu’Haïti puisse être membre de l’Union africaine. L’idée est d’aller au-delà de la simple commémoration historique pour tendre vers une solidarité économique et diplomatique effective. Les États africains pourraient ainsi développer une coopération resserrée avec Haïti, y compris dans les domaines de l’éducation, de la santé, des infrastructures et de la promotion culturelle.
Une opportunité de réécriture de l’Histoire
L’Afrique et la diaspora partagent un destin qui, de toute évidence, a façonné leur conscience politique et culturelle. Le panafricanisme et la négritude trouvent en partie leur origine dans le combat des Noirs de la diaspora pour leur autodétermination. Préserver le lien avec Haïti, soutenir sa reconstruction et son développement, c’est aussi affirmer la volonté de tourner la page du passé colonial, sans pour autant oublier les dettes mémorielles et les injustices qui s’y rattachent.
Conclusion
Haïti, en tant que première République noire, demeure un symbole fort de la capacité d’autodétermination des peuples afrodescendants. L’Afrique, la France et les États-Unis portent, chacun à un degré différent, une part de responsabilité dans la situation actuelle de ce pays. Un rapprochement institutionnel d’Haïti avec l’Union africaine constituerait un signal politique et culturel fort et contribuerait à renforcer la solidarité panafricaine. La place d’Haïti, « l’Afrique dans la Caraïbe », n’est pas uniquement dans l’hémisphère occidental : elle est aussi, et surtout, au cœur de la « grande famille africaine », dont elle partage la mémoire et l’héritage.
Haïti | Chronologie des événements en 2024 : 20 août, Martelly est accusé par Washington de soutenir les gangs terroristes, et c’est tout
de Rezo Nodwes
29 décembre 2024
Le bilan de l’année 2024 en Haïti se résume à une succession ininterrompue de crises, plongeant le pays dans la précarité. Les promesses de réforme et de stabilité se sont heurtées à une réalité rythmée par l’instabilité politique, la violence des gangs et la mal-gouvernance.
En 2024, l’extension inexorable des « territoires perdus » révèle avec acuité la profondeur de la crise sécuritaire qui paralyse Haïti, tout en exposant les immenses obstacles auxquels l’État se heurte pour restaurer son emprise sur un territoire morcelé et en proie à l’anarchie.
Janvier 2024 : Retour de Guy Philippe et tensions politiques
En janvier, l’ancien sénateur Guy Philippe, fraîchement expulsé après sa libération d’une prison américaine, prend la tête de manifestations réclamant la démission du Premier ministre Ariel Henry, soutenu par une milice armée, la Brigade de sécurité des zones protégées (BSAP).
Février 2024 : Visite d’Ariel Henry au Kenya
En février 2024, le Premier ministre de facto, Dr. Ariel Henry, a effectué une visite officielle au Kenya pour des discussions bilatérales. Cette initiative visait à renforcer les relations diplomatiques entre les deux pays, bien que des interrogations subsistent quant à sa légitimité à engager Haïti dans de tels accords.
Février 2024 : Intensification de la violence des gangs
Le 29 février, une vague de violence déferle sur Haïti, avec des tirs dirigés contre l’aéroport principal et la prise de plusieurs postes de police, alimentant les spéculations sur une alliance entre gangs rivaux visant à renverser le gouvernement.
Mars 2024 : Evasions massives et état d’urgence
Le 3 mars, entre 3 700 et 4 000 prisonniers s’évadent de la prison nationale de Port-au-Prince, ce qui pousse le gouvernement haïtien à déclarer l’état d’urgence pour 72 heures afin de les retrouver.
Avril 2024 : Démission d’Ariel Henry et formation du Conseil Présidentiel de Transition (CPT)
Le 25 avril, Ariel Henry démissionne officiellement de son poste de Premier ministre, ouvrant la voie à la formation du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) pour diriger le pays.
Mai 2024 : Nominations et catastrophes naturelles
Le 28 mai, Garry Conille est nommé Premier ministre par le CPT. Le même mois, Haïti est frappé par des inondations et des glissements de terrain au Cap-Haïtien, tuant 13 personnes, et par une tornade à Bassin-Bleu, blessant plus de 50 personnes et détruisant 200 maisons.
Juin 2024 : Retour de Rameau Normil à la tête de la PNH
En juin 2024, Rameau Normil a été pressenti pour reprendre la direction de la PNH, succédant à Frantz Elbé. Cette décision s’inscrivait dans le cadre des efforts déployés pour répondre à la violence des gangs qui ravage le pays. Le 22 juin 2024, lors de sa prise de fonction, Rameau Normil a promis de démanteler tous les gangs, réitérant des engagements similaires à ceux de ses prédécesseurs.
Juillet 2024 : Tragédie migratoire
Le 19 juillet, un bateau de migrants à destination des îles Turques et Caïques prend feu au large du Cap-Haïtien, faisant au moins 40 morts.
Août 2024 : Sanctions et opérations de police
Le 20 août 2024, les États-Unis ont imposé des sanctions à l’encontre de l’ancien président Tèt Kale-Phtk1, Michel Martelly, l’accusant d’avoir abusé de son influence pour faciliter le trafic de drogues dangereuses, notamment la cocaïne, à destination des États-Unis. De plus, Martelly est accusé de blanchiment des produits illicites de la drogue, de collaboration avec des trafiquants haïtiens et d’avoir parrainé plusieurs gangs – criminels terroristes – basés en Haïti.
Ces sanctions interdisent aux institutions financières américaines d’accorder des prêts ou des crédits à Martelly, le coupant ainsi du système financier mondial et le plaçant sous une surveillance accrue.
Cette décision fait écho à des mesures similaires prises par le gouvernement canadien en novembre 2022, où Martelly avait été sanctionné pour son implication présumée dans des violations des droits humains et son soutien à des gangs criminels en Haïti.
Les sanctions américaines contre Martelly soulignent le rôle déstabilisateur que des acteurs politiques corrompus peuvent jouer en Haïti, exacerbant la crise actuelle du pays. Elles reflètent également l’engagement des États-Unis à promouvoir la responsabilité et à œuvrer pour un avenir plus prospère, démocratique et sécurisé pour tous les Haïtiens. Jusqu’à présent, aucune disposition n’a été prise pour traduire M. Martelly, qui réside toujours aux États-Unis, devant la justice, prouvant que le pays est baignés dans une règne d’impunité.
Août 2024 : Scandale à la Banque Nationale de Crédit (BNC) : Trois conseillers présidentiels, Louis Gérald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire, ont été accusés d’avoir exigé un pot-de-vin de 100 millions de gourdes de l’ancien président du Conseil d’administration de la BNC, Raoul Pierre-Louis, en échange de son maintien en poste. Cette affaire a mis en lumière la corruption au sommet de l’État haïtien.
Révocation de Raoul Pierre-Louis par Garry Conille : Le Premier ministre Garry Conille a révoqué de manière arbitraire Raoul Pierre-Louis de son poste de président du Conseil d’administration de la BNC, une décision controversée qui a suscité de vives réactions.
Septembre 2024 : Prolongation de l’état d’urgence et déclaration de famine
Le 4 septembre, le gouvernement étend à l’ensemble du pays l’état d’urgence initialement déclaré en mars dans le département de l’Ouest en raison de la violence des gangs. Le 30 septembre, les Nations Unies ont rapporté qu’au cours des six premiers mois de l’année, au moins 3 661 personnes ont été tuées en Haïti, dont 100 enfants, à cause de la violence des gangs. Le même jour, une classification intégrée de la sécurité alimentaire a déclaré des conditions de famine en Haïti, avec près de 6 000 personnes menacées de famine et près de la moitié du pays confronté à des niveaux de crise d’insécurité alimentaire aiguë en raison du conflit des gangs et de l’instabilité économique.
Octobre 2024 : Voyage de Garry Conille au Kenya
En octobre, Garry Conille s’est rendu au Kenya pour solliciter l’envoi de 600 policiers kenyans afin de soutenir les forces de sécurité haïtiennes. Cependant, des doutes subsistent quant à l’efficacité et à la rapidité de ce déploiement.
Octobre 2024 : Massacre de Pont-Sondé et rentrée scolaire difficile
Le 3 octobre, le gang Gran Grif a attaqué la localité de Pont-Sondé, tuant au moins 115 personnes et déplaçant plus de 6 300 habitants, illustrant la brutalité croissante des gangs dans le pays. Par ailleurs, la rentrée scolaire a été marquée par des subventions retardées et des écoles occupées, rendant la situation difficile pour de nombreux élèves et enseignants.
Novembre 2024 : Changement de Premier ministre et attaques contre les institutions
Le 10 novembre, Garry Conille est démis de ses fonctions de Premier ministre par le CPT et remplacé par Alix Didier Fils-Aimé. Le 11 novembre, un avion de la compagnie Spirit Airlines est la cible de tirs de gangs lors de son atterrissage à l’aéroport Toussaint Louverture de Port-au-Prince, ce qui entraîne son détournement vers la République dominicaine et l’annulation de plusieurs vols à destination d’Haïti.
Décembre 2024 : Massacres, annonces financières et plan d’action
Entre le 6 et le 11 décembre, au moins 207 personnes sont tuées à Cité Soleil, Port-au-Prince, dans une série d’attaques visant les personnes âgées et les adeptes du vaudou, menées par le gang de Wharf Jérémie.
Le 12 décembre, la Primature a annoncé un plan d’action pour renforcer la sécurité et la justice, bien que des interrogations subsistent quant à son efficacité réelle.
Le 16 décembre, un rapport a souligné que le pays nécessitera 1,34 milliard de dollars américains dans les deux prochaines années pour couvrir les besoins immédiats générés par la crise sécuritaire. Par ailleurs, la Primature a annoncé le déblocage d’un milliard de gourdes pour la population, bien que des doutes subsistent quant à la concrétisation de cette aide, rappelant des promesses antérieures non tenues.
Le 24 décembre, trois personnes, dont deux journalistes, ont été tuées lors d’une attaque armée contre l’hôpital général de Port-au-Prince, illustrant la détérioration continue de la sécurité dans le pays.
Cette chronologie des événements en 2024 met en évidence l’aggravation de la crise en Haïti, caractérisée par une instabilité politique persistante, une violence incontrôlée des gangs et une détérioration des conditions de vie de la population.
Haïti : De quoi demain sera-t-il fait ?
Petit essai de prospective dialectique matérialiste
2 janvier 2025
Par James Darbouze*
Soumis à AlterPresse
« Seulement nos corps seulement nos os qui nous collent sur la peau »
Keb
Dans son ouvrage La pensée métisse (2012), Serge Gruzinski souligne les difficultés à penser le mélange des genres dans le domaine des sciences sociales, surtout lorsqu’il s’agit du mélange des corps et des cultures. En raison de la complexité de l’univers social et historique, les processus sociaux restent souvent « des processus imparfaitement compris ». Et pour cause, nous dit l’auteur, notre compréhension (…) « se heurte à des habitudes intellectuelles qui portent à préférer les ensembles monolithiques aux espaces intermédiaires. Il est plus facile en effet d’identifier des blocs solides que des interstices sans nom. On préfère considérer que « tout ce qui paraît ambigu ne l’est qu’en apparence et que l’ambiguïté n’existe pas » [1]. En effet, tout a l’air tellement plus simple de cette manière. Même les loquaces revendicateurs de pensée complexe, alors qu’il conviendrait d’assumer le grotesque, ont le vent en pourpre pour la simplicité. Ne pourrait-on pas dire de même de la situation haïtienne actuelle ?
Un huitième (1/8) de la population est constitué de déplacé.es forcé.es. Des gens, hommes, femmes, enfants, jeunes et vieux qui ont été contraints à abandonner leur lieu d’ancrage, bon an mal an, condamnés à la vie nue, après avoir tout perdu. Plus de huit cent mille seulement dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, du nord au sud, de l’est à l’ouest. Des pans entiers ont été dévitalisés au fur et à mesure tandis que d’autres se trouvent sous la menace. Comme dirait Dinah Washington, dans une chanson célèbre de 1959 what a difference a day makes ? La question vaut son pesant d’or. Surtout à l’approche du nouvel an 2025. Pour nous autres qui vivons ici, tantôt au centre tantôt dans les limbes du monde, quelle différence un jour peut-il faire ?
Dans une lettre à Joseph Bloch, en date du 21 novembre 1890, Friedrich Engels écrit :
« D’après la conception matérialiste de l’histoire, le facteur déterminant dans l’histoire est, en dernière instance, la production et la reproduction de la vie réelle. (…) La situation économique est la base, mais les divers éléments de la superstructure – les formes politiques de la lutte de classes et ses résultats, – les Constitutions établies une fois la bataille gagnée par la classe victorieuse, etc., – les formes juridiques, et même les reflets de toutes ces luttes réelles dans le cerveau des participants, théories politiques, juridiques, philosophiques, conceptions religieuses et leur développement ultérieur en systèmes dogmatiques, exercent également leur action sur le cours des luttes historiques et, dans beaucoup de cas, en déterminent de façon prépondérante la forme. Il y a action et réaction de tous ces facteurs au sein desquels le mouvement économique finit par se frayer son chemin comme une nécessité à travers la foule infinie de hasards (c’est-à-dire de choses et d’événements dont la liaison intime entre eux est si lointaine ou si difficile à démontrer que nous pouvons la considérer comme inexistante et la négliger). »
Le propos sonne tellement limpide : La situation économique est la base. Et le facteur déterminant dans l’histoire des sociétés, en dernière instance, est la production et la reproduction de la vie réelle. Engels nous dit qu’en toute situation, il faut considérer les ressorts économiques, les tenants et les aboutissants de la vie réelle. Autrement dit, en toute intelligence, il faut toujours se poser la question de l’économie de la situation. Quelle est l’économie de la situation ? Qui gagne dans la tragédie que nous vivons actuellement ? C’est cela que certains esprits courbes ont vite fait de baptiser la surdétermination du facteur économique.
Alors que je produisais ces réflexions, que je tentais de mettre un peu d’ordre dans mes idées et faisant l’effort d’analyser froidement la nouvelle année qui s’en vient, je suis tombé sur un texte du professeur Sauveur Pierre Etienne, publié sur le site d’AlterPresse [2], et une petite note de l’économiste Thomas Lalime, postée sur sa page Facebook. Ces lectures ont renforcé ma conviction selon laquelle il fallait poser adéquatement la question du lendemain, de notre lendemain, à partir d’une perspective matérialiste.
Et pour cause, dans un bulletin daté de cette fin de décembre, l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI) d’Haïti a annoncé une contraction du PIB de -4,2 % pour l’année 2024 [3]. Entre be cool, 2 zéro et krazos, l’information est passée comme une lettre à la poste. Comme un clic. On ne pouvait pas faire mieux !!! Reprenons ici un extrait de la note de Thomas et invitons à consulter l’article du professeur Etienne. Thomas écrit :
« L’économie haïtienne a affiché en 2024 sa sixième année consécutive de contraction. Le Produit Intérieur Brut (PIB), en valeur constante, est estimé à 568,0 Milliards de gourdes pour l’exercice fiscal 2023-2024, contre 592,7 Milliards pour l’exercice fiscal antérieur, soit un repli de - 4,2%. Cet abaissement constitue le plus fort déclin de l’économie, jamais enregistré, depuis la chute de 5,7% du PIB en 2009-2010, consécutive au séisme dévastateur du 12 janvier de la même année. »
Apposer une sixième année consécutive de contraction économique, est-ce ce que cela signifie objectivement pour notre pays et ses habitant.es ? Quelles en sont les conséquences, les impacts et les incidences sur nos vies demain ? S’il s’agissait d’une simple entreprise commerciale, ses dirigeants auraient probablement déjà déposé le bilan pour incompétence, gabegie, gestion criminelle ou corruption. Qu’à cela importe !!!
Nous sommes encore en 2024, le dernier jour de l’année. Nous entamons la dernière ligne droite d’une année terrible, horrible pour reprendre le professeur Etienne. On aurait même envie de dire vivement qu’elle s’en aille. Depuis un peu plus d’une décennie, avec le retour de la terreur et du désespoir, comme modalité de gestion politique, toutes les années se suivent et se ressemblent. Voire, chaque nouvelle année amène son lot d’abjections et d’engouement dans la dynamique du pire.
Depuis 2011, nous traversons une époque terrible d’involution sociale et idéologique. C’est la revanche des catégories réactionnaires, néo-duvaliéristes sur 1986, sur l’aspiration démocratique du peuple haïtien. Ce que l’on croyait impossible se dévoile, réel, sous nos yeux. Aletheia. Et la vie du plus grand nombre, de la majorité, hommes et femmes, jeunes et vieux, travailleuses et travailleurs du quotidien, continue de se défaire à vue d’œil. Nu !!!
A nos corps défendant, nous sommes embarqués dans une spirale où justement tout change pour que rien ne change. Comme disait l’artiste : « seulement nos corps, seulement nos os qui nous collent à la peau ». L’État en Haïti continue de servir de paravent pour que des élites déconnectées extraient des rentes d’une population toujours plus appauvrie. Le capitalisme rentier s’affirme comme modèle par excellence du parasitisme, de l’argent facile et des relations sociales. Et ce capitalisme, loin d’avoir triomphé en tant que système historique, est arrivé actuellement à un cul-de-sac avec des dilemmes dont il ne peut plus sortir. C’est la question du changement de système à laquelle est venue s’agripper une dynamique de la nouvelle rente criminelle. Alors, que nous est-il permis d’espérer ?
Certes, nous savons que demain ne meurt jamais (tomorrow never dies). C’est un principe de sagesse antique ainsi que de philosophie populaire. Qu’importe la férocité des difficultés d’aujourd’hui, qu’importe l’ampleur de l’adversité, il y aura toujours un lendemain. Et le soleil se lèvera toujours à l’est pour tout le monde. C’est la mécanique du monde. Toutefois, la question majeure, fondamentale et fondatrice, reste celle de la matière qui confectionnera le lendemain. De quoi notre demain sera-t-il fait ?
Si les jours se suivent et se ressemblent, si demain est en tout point semblable, s’il ressemble à l’identique, comme deux gouttes d’eau, à hier et aujourd’hui, a-t-on vraiment besoin de parler du lendemain ? Les mots sont les mots. Quel est le sens des catégories distinctives du temps s’il n’y a plus aucune différence dans l’écume des jours ? Et quel sens prend pour nous la cohue du temps qui passe quand chaque jour, hier, aujourd’hui et demain, a gout d’apocalypse ?
Et comme on en discutait, il y a quelques temps, avec le professeur Hérold Jean Pois, nous constatons des signes concrets attestant que nous vivons un temps d’involution culturelle (le professeur Hancy Pierre a parlé quelque part d’une révolution conservatrice). Les révolutions culturelles qui accompagnent les révolutions sociales et économiques ne sont pas une nouveauté dans l’histoire. Dans le Manifeste du Parti Communiste (1847), Engels et Marx écrivaient à propos des transformations induites par la révolution bourgeoise :
« Partout où la bourgeoisie a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations (…) idylliques. […] elle les a brisées sans pitié, pour ne laisser subsister d’autre lien entre l’homme et l’homme que le froid intérêt, que le dur argent comptant. Elle a noyé l’extase religieuse, l’enthousiasme chevaleresque, la sentimentalité du petit bourgeois dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange ; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l’unique et impitoyable liberté du commerce. […] La Bourgeoisie a déchiré le voile de sentimentalité qui recouvrait les relations de famille et les a réduites à n’être que de simples rapports d’argent »
Après le triomphe de la longue marche en Chine, dans les années 1960, Mao a lancé la « Grande Révolution culturelle prolétarienne » visant à subvertir, dans le cadre de la Révolution chinoise, les valeurs individualistes et les tendances contre-révolutionnaires parmi les membres du Parti communiste, de l’Armée populaire et des officiers de l’État. Une grande tentative a été faite pour éliminer les « attitudes capitalistes » qui existaient encore dans la population. La consolidation de toute révolution économique, sociale et politique, passe par la révolution culturelle. C’est exactement cela que nous sommes en train de vivre actuellement en Haïti.
La figure ci-après, extraite d’un rapport de 2010 [4], montre la courbe de désengagement de l’Etat haïtien de 1996 à 2008 dans les principaux secteurs sociaux. De 1996 à nos jours, l’Etat en Haïti n’a fait que se désengager de manière systématique et continue dans les secteurs sociaux clefs. Le pire dans cette figure, c’est qu’elle reflète une période de relative calme social et politique. Et si on prenait le temps de prolonger cette courbe ? Que trouverait-on ?
Evolution en matière de gouvernance (de 1996 à 2008)
Source : Banque Mondiale, 2009 citée par Rand Corporation
Le problème que confronte la société haïtienne aujourd’hui, loin d’être un problème de sécurité est celui du schéma social, celui d’un modèle hégémonique épuisé. A tous les niveaux, le capitalisme néolibéral est en train de triompher chez nous. Avec son lot de misères, de calamités, de privations et de défaillances. L’artiste Kébert Bastien (Keb) dans sa chanson L’inégalité , un des titres figurant sur son album Merde (2014), a attiré l’attention sur la traduction matérielle des impacts du phénomène.
« L’accroissement de l’inégalité
Transformation de l’homme en marchandise
Diminution du pouvoir de l’Etat
L’augmentation de notre misère …
Nous en avons assez…
Et c’est l’heure de rejeter
La politique néolibérale
Dans notre corps »
Comme le souligne Solimano (2018) [5] à propos du Chili :
« Le modèle économique de libre marché, mis en œuvre à partir du milieu des années 1970, n’était pas seulement un programme économique de déréglementation du marché, de privatisation, de stabilisation macroéconomique et d’ouverture à l’économie mondiale. Il s’agissait également d’une tentative d’introduire un nouvel ensemble de valeurs et de changer ainsi la culture de la société chilienne pour la rendre fonctionnelle au nouveau modèle de société qui était imposé. [6] »
Avec l’idéalisation du marché libre, s’est développée la promotion d’une éthique individualiste et la légitimation de la motivation du profit, qui s’est étendue à tout un éventail d’activités dont la sécurité et la gestion des territoires. De nouveau, c’est Friedrich Engels qui nous rappelle :
« Nous faisons notre histoire nous-mêmes, mais, tout d’abord, avec des prémisses et dans des conditions très déterminées. Entre toutes, ce sont les conditions économiques qui sont finalement déterminantes. Mais les conditions politiques, etc., voire même la tradition qui hante les cerveaux des hommes, jouent également un rôle, bien que non décisif. [7] »
Alors, au regard des conditions socioéconomiques actuelles, quelle prospective est possible ? Quelle prospective autre que magique serait capable, dans une telle situation, d’assurer de meilleures conditions de vie pour les générations futures ? La prospective consiste à construire le présent en fonction de l’avenir. Sa méthodologie spécifique a pour objet de permettre 1) d’anticiper différentes situations que l’on pourrait rencontrer ; 2) d’aboutir à des résultats opérationnels dans le cadre d’une démarche de changement.
La prospective et le « développement durable » sont des concepts cousins. Il revient à garder l’avenir ouvert, à faire des choix au présent qui ne soit pas au détriment des générations futures. Une des finalités de la prospective vise à la réduction des vulnérabilités des populations les plus exposées. Au point où nous en sommes actuellement, un tel exercice fait-il sens pour nous ? Que pouvons-nous espérer adéquatement ?
Comme le faisait remarquer à juste titre une camarade militante, plutôt que de changer d’année, pour une fois, ne vaudrait-il pas mieux changer de système !!! Changer la dynamique des rapports sociaux, économiques et politiques. Les années changent, le temps s’envole et court, mais la dynamique des rapports reste en notre défaveur, et à la faveur de la petite minorité, des riches et des puissants.
Pour introduire une note optimiste à cette série d’interrogations qui sonne comme une liste de médicaments chez je vendais à crédit, mon ami Ronald m’a proposé d’ajouter la question "que faire pour que la nouvelle année qui arrive soit plus prometteuse’’ ? Une question piège, comme si cela dépendait de nous. En même temps, m’écrivait-il : « j’ai la certitude que notre demain ne dépend pas de nous, n’en déplaise à Nicolas, auteur de Haïti la porte d’entrée du nouveau monde ». Là se trouve un autre nœud gordien, si notre demain ne dépend pas de nous, de qui dépendra-t-il ?
Le chroniqueur syndicaliste Jean Ortiz écrivait en 2015 : « Nous avons perdu (momentanément) la bataille des idées contre les « libéraux », mais il nous reste la parole contre la victoire (réversible) d’une classe sociale, la bourgeoisie ; elle voudrait nous imposer ses valeurs, ses représentations, sa sous-culture, son totalitarisme idéologique, son prêt-à-penser, son robinet d’eau tiède... ».
A mon humble avis, c’est à ce point que nous nous trouvons en ce moment. Nous avons intégré l’idée que notre demain ne dépend pas de nous, que ce qui compte, ce n’est pas ce que nous voulons faire ou ce que nous entendons faire. Nous avons besoin de continuer la bataille sur le terrain des idées. Nous avons besoin de rendre compte adéquatement de la situation concrète, de bien appréhender la complexité des phénomènes qui nous entourent, pour pouvoir transformer le monde.
Comme répétait souvent Martha Harnecker, à la suite de Lénine, analyse concrète de la situation concrète. Nous avons besoin de sortir de ce prêt à penser indigent fait d’insécurité, de territoires perdus (abandonnés), de banditisme, de désengagement des « pouvoirs publics », de changement constitutionnel, d’élections bidon etc...
Souhaitons que les trois cent soixante-cinq jours (365) de 2025 fournissent les éléments pour changer radicalement le monde dans le sens du bien commun et de l’intérêt général.
*Philosophe, sociologue
Membre du GR-FPSPA
Port-au-Prince, 30 décembre 2024
[1] Serge Gruzinski, La pensée métisse, Librairie Arthème Fayard/Pluriel, 2012.
[2] Sauveur Pierre Etienne, Haïti : Une année 2024 épouvantable, AlterPresse le 26 décembre 2024.
[3] https://lenouvelliste.com/article/252217/haiti-le-pib-a-encore-chute-en-2024-42
[4] KEITH CRANE, JAMES DOBBINS, LAUREL E. MILLER, CHARLES P. RIES, CHRISTOPHER S. CHIVVIS, MARLA C. HAIMS, MARCO OVERHAUS, HEATHER LEE SCHWARTZ, ELIZABETH WILKE, BÂTIR UN ÉTAT HAÏTIEN PLUS RÉSISTANT © Copyright 2010 RAND Corporation
[5] Andrés Solimano, Capitalismo a la chilena y la prosperidad de las élites, Traducido del inglés por Pedro Solimano A. Centro Internacional de Globalización y Desarrollo, Santiago, Chile : Catalonia, 2018
[6] Traduction libre : « El modelo económico de libre mercado, implementado a partir de mediados de los años 70, no fue solo un programa económico de desregulación del mercado, privatización, estabilización macroeconómica y apertura hacia la economía global. También fue un intento para introducir un nuevo conjunto de valores y así cambiar la cultura de la sociedad chilena para hacerla funcional al nuevo modelo de sociedad que se estaba imponiendo. La nueva utopía de los Chicago Boys y los militares, este último un estamento que históricamente estaba más cercano al nacionalismo y al desarrollo impulsado por el Estado que al libre mercado, estaba envuelta en una idealización del mercado, promovía una ética individualista y la legitimación del afán del lucro, que se empezaba a extender a una amplia gama de nuevas actividades como la educación, la salud, las pensiones y otras actividades. La nueva visión de un mercado universal y soberano venía acompañada por una actitud distante y hostil hacia el Estado como agente productor, regulador y redistribuidor de ingresos. » P. 65 §
[7] Friedrich Engels, Lettre à Joseph Bloch, Londres, le 21-22 septembre 1890. Publiée pour la première fois dans le Sozialistische Akademiker, 1895. Berlin, pp. 351-353.
Il faut débuter petit avant de voir grand. Tout a commencé avec une poignée de personnes partageant les mêmes valeurs et la même vision. Aujourd'hui, nous avons atteint une taille impressionnante.
La signification du 2 janvier : un appel à célébrer le jour des Aïeux au-delà du culte de la personnalité
Par Patrick Prézeau Stephenson
Le 2 janvier, journée dédiée aux Aïeux, occupe une place particulière dans l’histoire d’Haïti. Bien qu’elle soit souvent éclipsée par les festivités du 1er janvier, cette journée invite à une réflexion profonde sur notre identité collective et notre rapport à l’héritage des héros de l’indépendance. Ce jour symbolise un appel à dépasser le culte de la personnalité pour embrasser une vision unifiée et collective de l’histoire et de l’avenir d’Haïti.
Une journée en hommage aux bâtisseurs de la liberté
L’histoire du 2 janvier remonte à l’empereur Faustin 1er, qui avait initialement consacré cette date comme fête nationale en l’honneur de Jean-Jacques Dessalines. Cependant, en 1904, lors de la célébration du centenaire de l’indépendance, le président Nord Alexis transforma cette journée en « Jour des Aïeux » pour rendre hommage à tous ceux qui ont combattu pour la liberté, élargissant ainsi la portée de cette commémoration.
Ce changement marquait une reconnaissance collective, honorant non seulement les grands chefs militaires mais aussi les anonymes – les marrons, les esclaves révoltés, les résistants indigènes comme les Taïnos, qui avaient combattu les colons bien avant l’arrivée de Dessalines et de ses contemporains.
Un héritage collectif, non individuel
L’une des erreurs courantes dans l’interprétation de l’histoire d’Haïti est de réduire ses victoires à des exploits individuels. Si Jean-Jacques Dessalines demeure à juste titre une figure centrale de l’indépendance, il est important de reconnaître que cette liberté fut le fruit d’une lutte collective. Chaque homme, chaque femme ayant résisté à l’oppression esclavagiste a contribué à l’œuvre d’indépendance.
À travers le Jour des Aïeux, nous sommes invités à célébrer la synergie de leurs efforts, plutôt que de glorifier un seul individu. C’est une occasion pour revaloriser une vision communautaire où chaque contribution compte, aussi modeste soit-elle.
Le centenaire et la politisation de l’histoire
La commémoration du centenaire de l’indépendance en 1904, sous Nord Alexis, se déroula dans un contexte politique tendu. Les divisions internes, marquées notamment par l’exil d’Anténor Firmin et la répression de ses partisans, rappellent combien les luttes de pouvoir peuvent détourner les grands moments d’unité nationale. Pourtant, malgré ces conflits, l’adoption du « Jour des Aïeux » visait à fédérer les Haïtiens autour d’une mémoire collective, transcendante et inclusive.
Ce fut également l’occasion d’inaugurer l’hymne national, La Dessalinienne, une œuvre exaltant l’héroïsme collectif des fondateurs d’Haïti, mais qui aurait dû, selon certains critiques, mieux refléter l’esprit d’unité et de diversité des luttes pour la liberté.
Une célébration culturelle et spirituelle
Le 2 janvier ne se limite pas à une simple commémoration historique. Dans la culture haïtienne, cette journée est également marquée par des traditions familiales et spirituelles. Dans le Vodou, elle fait partie de la saison Macaya, période de festivités en hommage aux esprits et aux ancêtres. Les grands repas partagés, les offrandes et les rituels témoignent de l’importance de cette journée dans la perpétuation de la mémoire et des valeurs communautaires.
Dans les foyers haïtiens, des plats traditionnels comme le diri ak djondjon ou le riz collé aux pois noirs sont préparés, rappelant que la célébration de nos aïeux passe aussi par le partage et la convivialité.
Abandonner le culte de la personnalité
En 2025, alors qu’Haïti continue de faire face à des défis colossaux, le Jour des Aïeux nous rappelle une leçon cruciale : les grandes victoires ne sont pas celles d’un seul homme, mais le fruit de l’unité et de l’effort collectif.
Le culte de la personnalité, encore trop présent dans nos discours politiques et historiques, limite notre capacité à envisager des solutions collectives. Si nous voulons honorer véritablement nos ancêtres, nous devons rejeter cette tendance et réapprendre à travailler ensemble pour construire un avenir plus juste et prospère.
En cette journée des Aïeux, cessons de mythifier quelques figures au détriment des milliers d’autres héros anonymes. Embrassons la richesse de notre histoire commune et engageons-nous à perpétuer l’esprit de solidarité et de coopération qui a rendu notre indépendance possible.
Nap reziste ansanm pou nou libere ansanm
Ensemble, tout est possible.
Contact Médias Patrick Prézeau Stephenson: Éditeur [email protected]
Men anpil chaj pa lou. Mèsi pou pataje manifès la:
Kilès nouye : https://manifeste-appel-du-lambi-2024.netlify.app/
Vizite paj akèy la: https://shorturl.at/cozFM
Li sou entènèt: https://shorturl.at/rBOTZ
Telechaje deniè vèsyon 2024 la: https://shorturl.at/g08Do